Un tout petit monde

Publié le par Louis

Les dessous de la rentrée littéraire
 
 A l’heure où l’on parle de mixité sociale et d’égalité des chances, il existe une profession fermée à tout élargissement ou renouvellement : celle de romancier. Copinage, piston, solution de facilité ou étroitesse d’esprit, les membres de la tribu littéraire ont visiblement choisi de se reproduire entre eux.
 
 Dans ce microcosme étriqué les heureux élus semblent provenir globalement de trois grands milieux : les médias, la culture et l’enseignement. C’est du moins le constat qui en ressort, en lisant un dossier spécial de LivresHebdo consacré à la rentrée littéraire 2007 (LH n° 696 du 29 juin 2007).
 
 Mais laissons tout simplement parler les chiffres. Parmi les profils de 86 nouveaux romanciers francophones publiés pour la rentrée littéraire 2007, on pouvait rencontrer pêle-mêle une rédactrice en chef, une chargée de communication, un traducteur, un reporter, un chanteur, un chroniqueur télé, une psy, une étudiante en lettres, une journaliste télé, un producteur de documentaires télé, une prof d’anglais, un dramaturge, un prof de philo, un directeur de collections chez un grand éditeur, une scénariste, un chanteur, un musicien, une animatrice télé, un rédacteur en chef, un dessinateur de BD, un photographe, un maître de conférences, et surprise : un paysagiste égaré, un retraité, un cadres d’entreprise …
 
Laissons parler les chiffres
 
Si l’on prend le temps de se pencher sur ces 86 écrivains et d’établir quelques statistiques, l’on obtient le résultat suivant :
 
- 25 viennent des médias ou de la communication (dont 16 journalistes soit la profession la plus représentée de l’ensemble des nouveaux romanciers, 5 dans la télé, 3 dans la communication, 1 dans la radio).
 
- 18 sont issus du milieu de la culture (5 proviennent du théâtre, 4 du cinéma, 4 de la musique, 3 de l’édition, un dessinateur BD et un bibliothécaire).
 
- 11 appartiennent au milieu enseignant (6 dans l’enseignement supérieur, 4 dans le secondaire et un documentaliste).
 
- 11 n’ont pas précisé leur profession.
 
- 5 sont des professionnels de la santé (3 psys, 2 médecins, un orthophoniste). 
 
- 4 sont des étudiants ou des lycéens.
 
- 4 sont des retraités.
 
- 2 sont photographes.
 
- Les 5 restants se partagent entre un cadre de grande entreprise, un paysagiste, un homme politique, un consultant, un agent de la protection sociale.
 
Que faut-il en conclure ?
 
 Inutile de dire que la forte proportion de journalistes dans le roman est révélatrice des rapports ambigus existant entre l’édition et la presse. Est-ce là un vice du système obligeant les éditeurs à renvoyer l’ascenseur à ceux qui jouent un rôle fondamental dans la promotion de leurs livres ? Force est de constater que les manuscrits chanceux sont ceux qui passent par les grands relais de la communication et non les relais de poste. Le lecteur qui croit encore au miracle du jeune auteur de province adressant son roman à l’éditeur par simple courrier, ferait mieux d’ouvrir les yeux.
 
 Mais il y a plus inquiétant encore, on dirait que les éditeurs privilégient avant tout « les professionnels du stylo » (journalistes et professeurs confondus). Cela n’est pas un gage d’ouverture. Les autres écrivains en herbe ne leur inspireraient donc pas confiance ?
 
 Combien de plumes talentueuses issues de milieux socioprofessionnels divers, taquinant la muse le soir après le travail, sont laissées de côté, parce que non formatées. Et si le tourneur fraiseur de l’usine du coin ou le paysan des hautes cimes décide un beau jour d’écrire un bon roman ? Ces deux-là auront-ils le droit d’être un jour publiés ? La diversité sociale ne serait-elle pas un gage d’enrichissement et de renouvellement de la littérature française ?
 
Autre interrogation dont la réponse n’est pas donnée dans cette longue liste : combien d’entre eux sont issus de l’agglomération parisienne ?
 
 

Publié dans Point de vue

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M
Très juste!!!Du point de vue du consommateur, Il est vrai, le soir, quand fatigué on se laisse aller devant certaines émissions tv au contenu vaguement culturel, et qu'en regardant les livres les + souvent valorisés on se demande si la lecture ne s'est pas trop  "pipolisée"... Au libraire de jouer son rôle de conseiller et de passionné?
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