Le casse-tête du libraire
Mais que va-t-on faire du bon Saint Augustin ?
Si le libraire est censé être un pro du classement, un ouvrage anodin peut s’avérer devenir un véritable casse-tête dès qu’il s’agit de le mettre en rayon. Bien entendu chacun a sa propre logique, celle du vendeur étant bien souvent aux antipodes de celle du client !
Prenons le cas concret de Saint Augustin et de ses fameuses Confessions. Comment classer cet auteur de langue latine de la fin de l’Antiquité et natif d’Afrique du Nord ? Faut-il également le ranger en fonction de son nom ou de son titre de saint ?
Deux voisins de palier
Sa présence en littérature étrangère est une évidence pour le libraire. Bien que cette prose soit vieille de 1600 ans, et malgré son influence durable sur la culture et la littérature française, la logique impose de le placer aux côtés des auteurs de langue étrangère. Saint Augustin est donc le voisin de Paul Auster : Le classement alphabétique d’un rayon littérature étrangère présente sans doute plus d’une singularité de ce genre.
Un cimetière et une foire entremêlés
Mais cette curiosité n’est pas du goût de tout le monde. Certains lecteurs souhaiteraient voir classés à part les auteurs de l’Antiquité. Pourquoi devrait-on faire cohabiter au même endroit une langue vivante et une langue morte ? La proposition est judicieuse mais non recevable : dans tous les rayons, des auteurs vivants côtoient bien des auteurs morts sans que personne n’y trouve à redire. Une librairie n’est après tout qu’un cimetière et une foire entremêlés, une sorte de trait d’union entre la littérature d’hier et d’aujourd’hui.
L’on pourrait également créer d’autres sous rayons, mais cela compliquerait la tâche à l’infini : trop de spécialisation aboutirait à de l’éclatement. Par exemple ranger les œuvres de Victor Hugo dans trois rayons différents : théâtre, poésie et romans… Mais alors bonjour la confusion pour les pauvres collégiens ayant déjà du mal à chercher un titre par ordre alphabétique !
Un débat sans fin
Revenons enfin à notre Saint Augustin et ses Confessions pour terminer cette digression par un degré supplémentaire de difficulté. Quelle réponse donner en effet au lecteur s’étonnant de ne pas voir la moindre trace de ce chef-d’œuvre du christianisme au rayon religion ?