Pacifisme à géométrie variable

Publié le par Louis

 

 
L’américain James Dalton Trumbo est connu pour son roman antimilitariste Johnny s’en va-t-en guerre publié en 1939, qu’il adapta également au cinéma en 1971. Les images du film furent reprises ultérieurement dans un clip du groupe de hard-rock Metallica.
 
 Le héros du livre, jeune combattant de la 14-18 transformé en légume, est l’illustration radicale de l’absurdité de la guerre.
 
 Bénéficiant d’une réputation de pacifiste, Trumbo reste également drapé d’une aura de martyr, en raison des poursuites judiciaires qu’il eut à subir en pleine période maccarthyste.
 
 Voici ce que la légende dorée a retenu. L’ennuyeux c’est que pour l’auteur de ce livre, les innombrables conflits armés auxquels se sont  livrés les hommes, n’ont pas été tous condamnables…
 
Trumbo ne s’en va pas en guerre
 
 Trumbo dénonçait dans Johnny s’en va-t-en guerre l’horreur de la Première Guerre mondiale, archétype selon lui des guerres dites impérialistes. Pourtant, son attitude fut bien plus équivoque durant de la Seconde Guerre mondiale.
 
 L’esprit pacifique de son roman correspondait à son désir de ne pas voir son pays intervenir dans le conflit européen déclenché par Hitler en 1939. Pour ne pas contribuer à aggraver un nouveau conflit européen ? Ne pas jeter de l’huile sur le feu ? Point du tout !
 
 Comme l’Allemagne avait agressé la Pologne de concert avec l’URSS suite au pacte germano-soviétique, l’entrée en guerre des Etats-Unis aurait consisté à combattre autant le Troisième Reich que l’URSS.
 
 Il eut été donc gênant pour Trumbo de voir ses concitoyens américains prendre les armes contre la patrie des travailleurs. Car à l’époque, l’Union soviétique dirigée par Staline était considérée -par un bon nombre d’intellectuels- comme un véritable laboratoire pour utopies sociales.
 
 Son roman pacifiste visait donc les éventuels bellicistes américains, partisans d’une participation au conflit européen. Johnny s’en va-t-en guerre est donc un faux roman pacifiste. Il ne condamnait pas la guerre pour son horreur, mais pour la menace qu’elle représentait vis-à-vis du pays qu’il admirait alors : l’URSS de Staline. Une curieuse variante de l’isolationnisme américain, en quelque sorte !
 
Finalement Trumbo s’en va-t-en guerre !
 
 Mais ce n’est là qu’un des tristes aspects des dessous de l’œuvre. Trumbo opéra un changement de position radical lorsqu’ Hitler attaqua en 1942 son allié de la veille. L’URSS, co-agresseur de la Pologne avec l’Allemagne, passait subitement au rang de victime du nazisme. Tout s’arrangeait donc pour Trumbo qui pouvait désormais soutenir son pays dans la nouvelle croisade qu’il allait mener en Europe.
 
Autocensure d’un écrivain
 
 C’est alors que le romancier fit preuve d’un excès de zèle qui jeta un voile définitif sur son prétendu pacifisme. Soutenant l’effort de guerre américain, il alla jusqu’à ordonner à son éditeur de retirer son roman de la vente, de peur de desservir sa nouvelle cause patriotique !
 
 Il ne fallait surtout pas rappeler aux lecteurs que leurs enfants puissent un jour finir comme le pauvre soldat Johnny. Trumbo ne tenait surtout pas à passer pour un démoralisateur de troupes…
 
 Pourtant, son roman peignait une autre guerre se déroulant à une autre époque. Rien ne justifiait donc d’autocensurer un livre publié trois ans plus tôt… Par cet acte, il se coupait définitivement du camp des pacifistes sincères et non inféodés. D’ailleurs, les a-t-il vraiment trahis ? Etait-il bien l’un des leurs comme Jean Giono pour ne citer que lui, un homme dont le pacifisme le mena en prison en 1939 ?
 
La Der des Der de Trumbo
 
 L’adaptation de son roman en 1971, ne sera finalement qu’une définitive confirmation de son tendancieux usage du pacifisme, puisqu’il visa cette fois à dénoncer la guerre du Vietnam.
Quelle cause pouvait-il désormais défendre sincèrement ? Celle des veuves de soldats américains ? A moins que ce ne soit celle de sa nouvelle patrie de cœur, luttant pour instaurer le paradis des travailleurs situé au pays des rizières ?
 
 
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